vendredi 19 octobre 2012

De la noyade du poisson

 
  
           Petits poissons collés aux vitres, ils bavent et essuient leurs lèvres sur les parois de leur mer noyée dans un océan d'aquariums. Ils se livrent à une succession de sussions où ils suivent cure comme délivrance, se délectant d'orgies et de curies, tant qu'ils n'y sont point par trop liés, c'est-à-dire aussi facilement déliés que l'est leur langue, ou leur front obscène de la scène sans questions. Tunnels jetés comme des ponts de l'un à l'autre, en guise d'interactions, quelques connexions buccales en guise de liens neuronaux permettent de puiser en l'autre ce qu'ils ne peuvent creuser en eux. Ils bullent et exposent en vitrine leurs apparats de surface, afin de palier à l'impasse qu'ils ont de remonter à la surface respirer, et prennent l'air à fixer et envier circonspects les graviers verts et émeraudes d'en face. Ils se créent des cires de pets afin de ne pas tomber nez à nez avec leur merde, s'enrobent de tant de rubans pour masquer qu'ils ne sont qu'animaux pensants, et pensent leurs pulsions comme un fatum où céder, accéder d'urgence. Ils sécrètent des bouches rondes, des ronds de jambes, tournent en ronds pour se détourner de leur diarrhée mnésique qui laisse pourtant si peu de traces dans les hauts fonds de leurs frocs.
           Images faciles des carpes, requins, anguilles et autres sardines, images graciles qu'ils s'empressent de masquer pour le repas, le repos. Ils dînent néanmoins désassemblés et inconscients du trépas terrestre, de steaks de dauphins aux tons de thons pressés, si vite oubliés une fois repus.
Petits poissons collés aux vitres, suffoquant dans leur boîte transparente, aérienne, ils versent des larmes d'eau douce dans l'eau salée, à attendre insolubles et dissolus le premier qui tendra le filet, la perche d'où remonter leur atavisme libertaire.
           A attendre, poiscaille moutonneuse génétiquement modifiée dont le seul membre capable de se dresser se réduit, comme une sauce au beurre, un plat sur le pouce, inconsistant, au seul pouce, espérant un peu de sel, un peu plus.

           A se tendre. A attendre.

           Mais aujourd’hui même la mer a des limites, des territoires, et l'image s'arrêtera à l'extrémité de ce jet d'encre. Il est temps engrangé de lever l'ancre.

            A se tendre. A attendre.
  
  

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